Joseph Pigassou 1878 - 1961

Joseph Pigassou 1878 - 1961

Prolégomènes - Troisième degré selon Joseph Pigassou

Prolégomènes                                               

Prolégomènes

 

Troisième degré

 

Les exemples des 1er et 2ème degrés montrent Virgile cherchant pour sa pensée un moyen d'expression assez hermétique pour qu’elle soit interdite aux profanes et assez indicatif pour qu'elle soit accessible à ses partenaires. Il a fait deux essais du jeu de mots poussé jusqu'aux limites les plus avancées de la subtilité. Avec des homophonies prises dans la seule langue latine il a, on ne peut mieux, donné le change sur sa pensée. Cependant ce procédé ne le satisfait pas. Il se rend compte qu'un tel jeu manque d'envergure, qu'il est trop étriqué, trop particulier, excellent, certes, pour un cas isolé, mais dépourvu d'universalité et vite à bout de souffle. Or il veut pouvoir exprimer n’importe quelle pensée, la développer aussi longuement qu'il lui plaira, en se maintenant constamment dans l’hermétisme qu'il s'est assigné, mais aussi en suivant un gabarit grammatical tel que ceux qui le posséderont pourront en­trer de plain-pied dans son jeu et déchiffrer du premier au dernier tout ce qu'il va écrire.

Problème ardu qu'il va résoudre en passant des homophonies exclusivement latines aux homophonies bilingues gréco-latines. Là, son esprit inventif joint à sa connaissance profonde de la grammaire grecque et de son dynamisme va trouver des ressources illimitées car aux mots d'un lexique déjà riche viendront s'ajouter tous ceux que sa fantaisie, jonglant avec la Règle, pourra obtenir en faisant passer des grammes anciens dans des formes linguistiques nouvelles. C'est une langue particulière que Virgile va créer. Par son art, on peut dire par son génie, l'é­quivoque sortira de la roture pour devenir, et non sans distinction, l’âme de la pièce la plus étonnante de toutes les littératures.

 

Voici un spécimen de cette langue :

Dans la 1re églogue, au vers 6, Tityre dit à Mélibée :

O Meliboee ! Deus nobis haec otia fecit

Namque erit ille mihi semper Deus ...

et vous entendez :

Oh Mélibée ! C'est un Dieu qui nous a fait ces loisirs,

car il sera pour moi toujours un Dieu ...

mais Mélibée, qui n'est autre que Marcus Agrippa interpellé par César-Octave, et qui entend le grec, comprend :

Ω Μελίβοευ  θεούς νώπις εκκαυσία fecit
Nam quaerit ίλη mihi semper θέος

Oh ! Marcus, c'est ta négligence à donner à boire (aux mercenaires), qui a provoqué des irritations, car ce que le bataillon me demande, à moi, c'est toujours à boire…

 

Explications :

θέος          mot forgé, tiré de θάω sucer, boire en suçant ; avec le thème verbal θα

ou θήους    et le suffixe ος gén. έος-ους (το) on forme le mot θάος qui exprime l’effet, le produit de l'action marquée par le verbe : sucement, action de boire ou de faire boire ; par apophonie l'α se change en ε ou en ή (cf. κτάομαι posséder qui donne κτέρας possession) et on a θέος ne pas confondre avec θεός. Le son de θ est dh très voisin de d , comme on le verra assez souvent par la suite ; le son de l'omicron qui doit être prononcé avec une petite ouverture de bouche est très voisin de l' u latin et doit toujours être différent de l'oméga qui doit être prononcé avec une plus grande ouverture de bouche. Le son de θεός est très voisin de "deus".

νώπις         négligence, mot composé de ν préfixe négatif et de όπις, ιδος (η) soin, d'où un-όπις et après contraction νώπις manque de soin. Notez le son de l'oméga voisin de l' o latin. Quant aux π il glisse naturellement en b .

εκκαυσία     pluriel neutre de l'adj. εκκαύσιος, α, ον qui n'est pas dans le dictionnaire mais peut se tirer légitimement de έκκαυσις brûlure, en ajoutant au radical εκαυ le suffixe d'adj. σιος Le pluriel neutre est pris ici substantivement.

fecit          reste tel quel ; on va voir pourquoi.

que erit     devient quaerit par équivoque.

ίλη             bataillon, mot pris dans le dictionnaire.

mihi           reste tel quel ; on va voir pourquoi.

semper      reste tel quel ; on va voir pourquoi.

Les mots grecs employés par Virgile sont ici, et seront plus d'une fois dans la suite, en marge des usages littéraires. Les puristes peuvent les qualifier de solécismes ou de fantaisies, mais il serait injuste et non compréhensif de les rejeter d'emblée, car ils sont formés d'éléments légitimes et on ne saurait dire qu'ils offensent le génie de la langue grecque. Composés au fil d'une inspiration qui doit se déguiser, ils ne laissent pas pour cela d'avoir une signification précise qu'on arrive toujours à saisir pourvu qu’on y mette un peu de grammaire et de patience : conditions imposées.

Ces deux vers caractérisent bien la manière bucolique de Virgile Ils contiennent les principaux types auxquels peuvent être ramenés les différents cas d'équivoque que nous rencontrerons dans les églogues : un mot grec forgé de toutes pièces, un mot grec composé, un mot grec dérivé, un mot grec pris directement dans le dictionnaire, une équivoque latine et des mots latins qui restent intacts.

On y voit comment Virgile nous donne le change. On y distingue cette astucieuse particularité que les sons de voix latins, représentés par des signes graphiques latins doivent être convertis en sons de voix grecs similaires et interprétés en conséquence, mis que cette règle, qui a pour effet de substituer à des mots latins des homophones grecs, ne s’applique, et c'est là une deuxième astuce compliquant la première, qu’aux parties du discours représentant des idées (substantifs et qualificatifs) et que les parties du discours représentant des rapports entre les idées (verbes et particules conjonctives) ne subissent pas cette conversion.

Tout le Livre des Bucoliques, du premier au dernier vers, est écrit dans cette manière et la gageure proposée par Virgile aux "grammairiens" peut se résoudre par application de la règle suivante :

 

Règle des substitutions

 

1° - Lire le texte à haute voix - lecture courante et prononciation de l'époque[i].

2° - Noter les homophonies gréco-latines que cette lecture fait ressortir et en dégager les mots grecs convenables.

3° - Substituer les mots grecs ainsi obtenus aux mots latins d'où ils sont sortis, sans toucher ni aux verbes ni aux particules conjonctives. (C'est préciser la phrases).

4° - Prendre alors les mots latins conservés et les mots grecs introduits, chacun pour ce qu'il vaut respectivement en grec et en latin, et traduire.

Tout le mystère des Bucoliques tient dans cette règle. Elle est la clé qui ouvrira tous les mots, toutes les phrases, toutes les églogues. Il ne s'agit plus d'introduire des allusions dans le texte mais au contraire d'y saisir et d'en extraire des équivoques, seules choses qui puissent vraiment contenir et donner à des mots, à des phrases, à un texte un double sens. Dans le Livre des Bucoliques l'équivoque commence avec le titre même.

 

Le Titre

 

En général le titre d'un ouvrage est une indication de ce que l'ouvrage contient :

 

Liber Bucolicarum

η των Βουκολικών Βίβλος

Le Livre des Illusions

 

Le verbe Bουκολέω peut, en effet, exprimer trois actions différentes :

a/   distribuer des illusions, leurrer, faire prendre le change.

b/   distribuer des pâtures à des animaux.

c/   distribuer des vivres à des gens (ici ce sera des soldats et des citoyens ayant droit de vote aux comices, appelés respectivement "boves" et "oves" dans le vocabulaire bucolique).

L'adjectif βουκολικός peut s'appliquer aux personnes et aux choses susceptibles de participer à l'une ou l’autre de ces trois actions. Placé en tête des églogues il les qualifie formellement. Le lecteur des Bucoliques peut donc s'attendre à être nourri d'illusions. Dans le fait il aura l'illusion d'entendre b/ quand on énoncera c/. Cette illusion sera un effet particulier d'acoustique résultant d'une suite systématique d'équivoques.

Si deux émissions de voix, représentant deux idées différentes, sont semblables, soit par nature, soit par artifice de prononciation, elles font sur l'oreille des impressions semblables, si bien que l'on peut prendre ou faire prendre l'une pour l'autre, et par conséquent aussi l'une pour l'autre les idées qu'elles représentent. Et rien n'empêche que dans un discours habilement conduit cet effet se transmette de mot en mot depuis le commencement jusqu'à la fin.

βουκολικός peut s'appliquer à des scènes pastorales ( b/ ) se développant suivant des modalités empruntées à la vie des bergers dont l'occupation dominante est de paître des troupeaux tout en jouant de la flûte ou même en composant des vers à leur façon. Il y a là matière à petits tableaux d'une attirance particulière pour le citadin qui ne soupçonnera jamais qu'ils abritent des diatribes.

βουκολικός peut aussi s'appliquer à des scènes de la vie publique de Rome prise dans les moments où elle comporte le plus de passion, c'est-à-dire dans ces jours de brigue qui précèdent les comices consulaires : jours d'effervescence où le trafic électoral bat son plein, où le souci des candidats est ( c/ ) de faire boire et manger les votants afin de gagner leurs suffrages, journées de marchandages qui ne sont pas toujours sans donner prise à la critique, aux chansons, à la satire.

Bien paître des brebis pour en tirer profit de pécune, gaver de victuailles et plus encore de promesses le troupeau des électeurs pour en tirer des profits politiques sont choses analogues. Bergers et candidats faisant manger leurs clientèles accomplissent un geste qui s'exprime dans les deux cas par Bουκολέω. Le verbe ne change pas ; seuls les sujets et objets de ce verbe changent. Du même coup le tableau change aussi. Il y a effet bucolique.

On comprend, dès lors que pour renverser l'équivoque contenue dans Bουκολέω et par suite dans des pièces essentiellement bucoliques, c'est-à-dire trompeuses, distributrices d'illusions, placées, à la fois, sous le vocable "équivoque" et sous le vocable "bucolique", et changer leur signification pastorale en une autre signification, il suffira de changer dans les phrase les noms des sujets et des objets sans toucher aux verbes. Cela revient à changer les mots représentant les idées, sans changer les mots représentant les rapports entre les idées. On retombe ainsi à la règle des substitutions. Évidemment il faut, d'une part, rester dans le jeu qui exige des équivoques, et d'autre part, aboutir à une suite d'idées logique.

Dans les Bucoliques l'illusoire est si bien présenté qu'on reste fort loin de supposer qu'il puisse cacher sous son innocence la moindre malice. Au contraire, on s'y complait sans arrière-pensée et on passe volontiers sur ce qu'on y rencontre d'étrange. Que si certains passages s'expliquent mal ou même pas du tout on n'en fait point des griefs capitaux et on leur accorde cette bonne-excuse : allusions que le temps a rendues insaisissables.

Les Bucoliques sont ainsi restées des évocations Arcadiennes d'une tenue artistique très prenante. Elles ont une tradition à laquelle on ne saurait toucher. C'est l'avers.

Les traitées selon la règle qu'elles portent en elles-mêmes, retournées pour ainsi dire et prises par le revers elles vont apparaître métamorphosées en un drame satyrique où seront mis en scène les personnages les plus célèbres de Rome : Auguste, Agrippa, Mécène, Horace, et Virgile.

 

La Genèse des Bucoliques

 

Le "Livre dos Bucoliques" étant, par principe et par destination, un émetteur d'illusions, ceux qui l'ont touché ne pouvaient éviter d'en éprouver les effets. Le scholiaste qui le premier écrivit en marge de sa lecture que Tityre est un paysan mantouan, Alexis un jeune esclave offert à Virgile, le Puer de la IVème un fils de Pollion, Gallus Gallus etc. s'était leurré d'illusions. De scholie en scholie, d'illusion en illusion, les Bucoliques furent finalement situées, dans l'espace, aux environs de Mantoue ou en d'autres lieux mal définis, et, dans le temps aux environs de 40. av. J.C.

En réalité Virgile écrivit les Bucoliques à Rome entre 21 et 19, dans les deux dernières années de sa vie, donc après les Géorgiques et l'Énéide. On verra qu'elles ne sont pas un travail d'apprenti.

La première (Mélibée s'exilant) se rapporte au départ de Marcus Vipsanius Agrippa pour Mytilène : exil volontaire, Agrippa quittant Rome de son propre mouvement, après une altercation suivie de brouille avec Auguste. Ce départ se place à la fin de 23 ou au commencement de 22.

La matière des autres églogues est fournie par les événements survenus entre le jour où eut lieu ce départ et les comices de l'été de l'an 22 où Lépide et Lollius furent désignés consuls pour entrer en charge au 1er janvier 21. Virgile ne pouvait les relater avant et comme il mourut le 10 des calendes d'octobre 19 il n'eut pour les écrire guère plus de deux ans.

Elles sont de raison politique et représentent le dernier sursaut des derniers partisans des vieilles institutions.

En 23 - 22 Rome abordait le tournant de son histoire et la République en était au point critique où se font les changements d'état. Saignée par les guerres civiles elle ne réagissait plus et s'abandonnait à la merci du maître de l'heure. Les comices de l'an 22 se préparaient. Auguste, consul en charge pour la onzième fois, briguait son douzième consulat, prêt à porter aux velléités républicaines encore vivantes le coup de grâce. Après les exécutions de Varro Murena et de Fannius Caepion l'ère des conjurations par le poignard étaient closes. Auguste avait vaincu les hommes.

Il lui restait à domestiquer les institutions et il y mettait une cautèle remarquable.

Avec un peuple de sportulaires qui, dès l'aube, se répandait dans la Ville, la corbeille à la main, qui ne vivait que par et pour les dons alimentaires, avec un Sénat que la vue d'un centurion montrant le fil de son épée avait fait timoré et obséquieux pour toujours, il en était arrivé, là par des largesses, ici par ses propres désirs qu'il laissait deviner et combler, non pas à oser demander mais à se faire prier d'accepter successivement toutes les magistratures avec des pouvoirs toujours accrus et tous les honneurs jusques et y compris les divins : la puissance militaire, le consulat à vie, le proconsulat hors de Rome et dans Rome avec prééminence sur tous ses collègues, la questure, la puissance tribunitienne, la dispense d'observer les lois, le titre d'Auguste, de Père de la Patrie, la dignité de Grand Pontife etc., au total un pouvoir sans bornes dans le militaire, le civil et le sacré[ii].

Ce serait la monarchie s'il n'y avait un participant imposé par les lois fondamentales de la Cité. Auguste nanti de la consécration et de la filiation divines[iii], consul à vie mais avec un collègue changeant chaque année, est un tyran, si l'on veut, mais il ne l'est qu'à demi. Que ce collègue, bien effacé sans doute mais non nul puisqu'il existe au moins dans son titre, disparaisse à jamais en entraînant dans sa disparition celle de sa fonction et le voilà, Lui, César-Octave-Auguste tyran sans partage.

L'événement serait heureux. De locataire d'un pouvoir dont il doit payer la jouissance par des largesses coûteuses souvent renouvelées, il deviendrait propriétaire à dépenses réduites, sans souci du lendemain. Cela conviendrait autant à son ambition qui roule maintenant à pleins bords qu'à sa cassette à peu près à sec.

Il lui faut donc un collègue escamotable. Comment va-t-il le trouver ? Le biographe de Virgile dit :

" Quand Auguste se vit en possession de tous les pouvoirs il en vint à se demander s'il ne vaudrait pas mieux pour lui laisser là le métier de tyran pour rendre toute leur puissance aux consuls et remettre la chose publique au Sénat. Là-dessus il prit les avis de Mécène et d'Agrippa qui furent différents. Agrippa, dans un long discours, exposa qu'il était préférable d'abandonner le métier de tyran même au prix de quelque prestige, tandis que Mécène s'efforçait de le dissuader de cette solution[iv]. L'esprit d'Auguste se trouvait balloté de l'un à l'autre de ces avis car chacun d'eux s'appuyait sur des raisons particulières très fortes. Il demanda donc à Marc s'il convenait à un homme privé de faire dans sa propre république le métier de tyran. Celui-ci dit alors : " Certainement le métier de tyran est par lui-même fâcheux et pour le gouvernant et pour les gouvernés. Ces derniers ne nourrissent qu'antipathies et inimitiés et le premier est forcé de vivre hanté par les soupçons et par la crainte du pire. Mais s'il arrive que les citoyens rencontrent un homme juste, sachant surtout se faire aimer, alors ce serait pour la cité chose utile qu'en lui seul tous les pouvoirs soient réunis.

Ainsi, si le souci de justice qui t'anime en ce moment continue, à t'inspirer en toute chose dans l'avenir, si tu ne te compromets avec personne et si tu domines tes passions, ce sera tout profit pour toi et pour l'univers. Tu y gagneras l'affection de tous à ce point qu'on te regardera et qu'on t'adorera comme un dieu. Après cet entretien César conserva le pouvoir". Il est évident qu'Auguste n'a demandé des avis que pour la forme, qu'il n'en fait aucun cas et qu'il veut délibérément s'installer dans la tyrannie. Cette attitude lui aliéna et Virgile et Agrippa. Ce dernier, camarade de toujours, gendre d'Auguste peut décemment se démontrer contre lui. Pour ne se voir mêlé à aucune intrigue il saisit un bon prétexte et part pour Mytilène (Sc. I, égl. I). Virgile se retire sans trop savoir ce qu'il fera ; la mouche de la politique ne l'a pas encore piqué.

Auguste est seul avec Mécène. Mécène est âgé. Ses facultés commencent à s'effilocher, sa volonté à s'amollir et Auguste, qui depuis quelque temps le circonvenait, avec l'arrière-pensée de le faire servir à ses desseins, lui offre association de candidature et lui fait entrevoir le consulat. Ce sera le collègue qu'il rêve d'avoir. Il pense (car Mécène est riche) lui faire prendre en compte les frais de la brigue et obtenir de lui blé, vins, denrées, viandes et argent. Le peuple, qui faisait grise mine au diable logé dans la bourse d'Auguste, croit voir arriver en Mécène un candidat munificent, prodigue en régals et applaudit à tout rompre. L'association paraît faite sous d'heureux auspices.

Mais derrière Mécène est Horace. Cet ancien acolyte de Brutus n'a jamais aimé Auguste et il est prêt à le prouver aujourd'hui mieux qu'à Philippes. Il ne doute pas de sa valeur.

Il a déjà commencé d'attaquer sans épée ni bouclier, uniquement armé de son esprit[v]. Chaque fois qu'Auguste donne quelque chose il intervient pour faire rire la foule en le moquant. Rien n'échappe à ses traits. Il dénigre tout, couvre tout de ridicule : chansons, ritournelles, persiflages, railleries à propos de tout et de rien, c'est un bourdon tournoyant autour d'Auguste qu'il énerve (Sc. II, égl. II-26). La foule applaudit de plus en plus fort, le tyran partira-t-il ?

Tout semble se concerter contre lui et la manœuvre même qu'il avait imaginée tourner à sa confusion. À bout de ressources, il est à bout de somptuosités. Il pourvoit tant bien que mal à l'entretien de ses mercenaires, il devient chiche avec le peuple, les pirates interceptent les convois, les approvisionnements sont difficiles, la famine commence à se faire sentir, on distribue des farines de basse qualité, des blés avariés, des vins tournés ou noyés d'eau ou même fabriqués avec des teintures, des viandes gâtées... Le peuple gronde et Agrippa n'est plus là pour le contenir[vi]. Les mercenaires mal nourris sont douteux et, mieux payés, pourraient se mettre au service de Mécène, Mécène vient[vii] d'être en plein théâtre l'objet d'une vive manifestation de la part de la foule et celle-ci, plus versatile et plus vénale que jamais, paraît capable, dans une saute d'humeur, de laisser tomber Octave et de reporter sur Mécène toute sa faveur.

Horace exulte. Pour se donner plus de poids et emporter d'un bon coup le plateau de la balance il court chez Virgile, le travaille et l'entraîne.

La brigue va commencer. Ils ont contre Auguste des chances inespérées. Ils savent qu'ils s'exposent en cas de défaite à des représailles implacables mais l'occasion est trop belle pour la laisser échapper. En chacun d'eux un républicain farouche se réveille et ils entrent en action de propagande.

Horace qui en est l'instigateur la mène tout d'abord. Il choisit pour sa part les endroits où les chefs de tribus tiennent leurs réunions[viii] ; ce sont probablement des clubs improvisés dans les basiliques et là, "bonus calamos inflare leves", il fait de l'esprit aux dépens d'Auguste, chansonne, raille ; sa causticité qui abonde en sous-entendus ne manque pas d'une certaine recherche, à l'écart de la foule cosmopolite et de son langage mélangé il ne parle qu'en latin romain[ix].

Virgile, "bonus dicere versus"[x], a pour sa part les carrefours populaires dont il possède, car il ne le dédaigne pas, le parler hybride fait de latin et de grec mélangés suivant la grammaire de la rue. Ce produit naturel du premier patois latin et de la langue d'Aristophane, né sur les dalles de la Voie Sacrée au souffle des vents venus de l'Attique et grandi entre, les éventaires des marchés, épicé, salé, fusant en lazzi, toujours prêt pour 1'apostrophe, ce patois dont, cent ans auparavant, Lucilius s'inspirait pour corser l'effet de ses satires et après lui Pitholéon pour ses diatribes contre J.César, Virgile n'en fait point fi et il l'emploie tel quel. Mais il le filtrera aux chausses de la grammaire quand il s'agira d'écrire le "livre des Bucoliques".

Leur propagande a du succès. Mécène laisse faire, mais Auguste s'émeut et voici le coup de théâtre. Celui qu'on croyait loin pour quelque temps encore, Agrippa, revient à 1'improviste, rappelé pour rétablir la situation d'Auguste et bousculer Mécène et ses amis. Dans leur camp la nouvelle retentit comme un coup de tonnerre. Horace pirouette sur lui-même, se renie et fait amende honorable. Mécène, âme molle, ne se trouble pas, il continuera sa brigue par manière d'acquit et aux moindres frais, mais Virgile qu'on a le plus compromis et qu'on lâche sans pudeur se retire chez soi fort anxieux. La sottise qu'Horace lui a fait commettre est grande et il s'attend à tout de la part d'Auguste.

Auguste n'en est pas moins inquiet. La brigue a pris mauvaise tournure pour lui et, sentant que le vote ne lui sera pas favorable, il laisse aller le consulat à Lollius et à Lépide soigneusement stylés et préparés par Agrippa.

Lui-même et Mécène sont appelés devant un tribunal populaire pour avoir fait distribuer des vivres avariés et des vins sophistiqués. Mécène est condamné. On demandera toutefois, après coup son pardon. Auguste est absous grâce à la présence au procès, de Marcus et de ses mercenaires[xi]. Néanmoins sa popularité a été touchée, sa cassette peu garnie ne lui permet plus les somptuosités et les munificences qui faisaient couler sur lui les honneurs et les pouvoirs ; il y a deux consuls autres que lui et, à cause de ces déceptions qui font à son prestige des blessures qu'il ne veut pas laisser voir, il s'éloigne de Rome. Durant deux ans il va voyager, passant de Sicile en Grèce, puis à Samos, puis en Arménie, puis encore à Samos, n'exerçant le pouvoir que par l'intermédiaire des consuls qu'il dirige de loin.

Horace, à peu près sûr de son pardon, ne bouge plus[xii]. Les liens d'amitié qui l'unissaient à Virgile sont devenus compromettants ; sans les briser complètement il les relâche pour se serrer davantage contre Mécène. Virgile, perdu pour perdu, ne veut point abandonner la lutte. Bien qu'il soit, pour l'instant, à l'abri de la colère d'Auguste, il sait qu'il ne sera pas épargné et qu'il payera cher ses incartades. Cela lui donne à penser.

Payer ! ?. Mais c'est pour s'être mis du côté du peuple et il espère qu'en retour, s'il tente de se sauver, le peuple sera pour lui. Auguste, fortement ébranlé, est en défaveur manifeste. Le mécontentement populaire bien exploité pourrait avoir des effets inattendus…      peut-être même renverser une situation politique qu'on sent instable et qui pourrait, au moindre souffle, faire son abatée vers le vieux régime républicain et s'écarter définitivement de la tyrannie. Virgile serait sauvé !

Ce rêve l'obsède. Il le caresse comme on caresse un dernier espoir. Il le calcule. Les circonstances ont évolué. Les railleries légères et vaines, éparpillées de coin de rue en coin de rue, ne sont plus de mise. Seul un effet de masse sur la foule assemblée peut être tenté, et où mieux qu'au théâtre ?

Il entrevoit une comédie dans le goût des "Chevaliers". Mais il ne peut en écrire le livret sans de sérieuses précautions contre la censure impériale qu'il doit, de toute nécessité, mystifier.

L'idée d'un langage secret et fallacieux à l'instar des langages mystiques, mais plus parfait et auquel personne encore n'aurait été initié, tombe alors dans son esprit, y germe et en naît sous les espèces de cet extraordinaire langage "bucolique" capable, non seulement de cacher aux curieux tout accès à la pensée essentielle qui lui est confiée, mais encore de les détourner vers des mirages trompeurs au milieu» desquels ils se perdront, mirages sonores, voix équivoques et captieuses comme des chants de sirènes. L'artifice est simple mais employé judicieusement il suffira pour faire prendre le change à ceux qui n'en seront pas avertis.

Sous cette couverture c'est un drame satyrique qui s'élabore. Au fur et à mesure de leur conception les scènes sont mises en équivoques ayant un effet pastoral, qui prédomine et s'impose, et un effet satirique si habilement masqué qu'il passe inaperçu.

Innocentes pièces rustiques ! Certaines sont munies de simili-dédicaces qui les antidatent avec tant d'assurance en rappelant le temps où Virgile était du parti d'Octave, qu’il pourra les présenter comme petites poésies composées dans sa jeunesse, à l'intention de ses protecteurs, qu'il a laissées en portefeuille précisément parce qu'il n'en était pas pleinement satisfait, et que maintenant, pour évoquer un passé qui lui vaudra peut-être quelque indulgence, il veut faire éditer. Il semble complètement absorbé par leur mise au point et il écrit sans désemparer.

Enfin son drame est achevé. Grâce à des prodiges d'équivoque il a pu l'établir dans un texte versatile où chaque scène fera figure d'églogue théoricienne en attendant de se démasquer en satire aristophanesque.

Ce qu'il vise secrètement c'est donner à l'ambition d'Auguste un croc en jambe qui lui fisse perdre le consulat, l'élimine des honneurs et du pouvoir, écarte de Rome les menaces de tyrannie qu’il fait peser sur elle et lui assure à lui-même sa sauvegarde.

Auguste a berné le peuple. Pour se faire renouveler indéfiniment le consulat, s'y faire consacrer à la longue par prescription et y devenir intangible, il a promis des distributions mirifiques et n'a pas tenu ses promesses. Le peuple, crédule, vote encore pour lui, mais, jaloux de son ventre, quand on lui aura montré qu'il a été dupé il suffira de mettre le feu à son indignation pour qu'il devienne farouche. Virgile escompte un effet irrésistible.

À vrai dire c'est une cabale qui frise la conjuration, mais Virgile, qui s'est mal aventuré dans l'opposition à la suite d'Horace et oui se sait, pour sa part, condamné, a décidé de tout tenter. Il a confiance dans son drame. Il compte avoir bientôt des acteurs animés comme lui de la foi républicaine et s'associant sans réserve à ses menées ; il a trouvé un lieu de réunion tapi sous des prétextes littéraires, il a même prévu les mots de passe. À la porte de la rue un premier portier demandera "Quid vis ?" Le conjuré répondra " Grammaticis crucem" et il entrera clans le couloir. Au fond du couloir une deuxième porte avec un deuxième portier qui demandera de nouveau "Quid vis ?" Le conjuré répondra "Nec calamis solum sed sequiparare voce magistrum," et il entrera dans le conclave où tout va être réglé.

Les espions pourront être aux aguets et tendre l'oreille, on leur jettera des pastorales en pâture.

Enfin les rôles sont appris. Mais avant d'affronter la scène Virgile n'est p s sans se demander comment on accueillera sa pièce, et, un jour, pour tâter le pouls de la foule, sans trahir avant l'heure le secret des Bucoliques, il use du subterfuge suivant : il fait annoncer à son de trompe la récitation au théâtre d'une églogue écrite pour Varus (c'est aujourd'hui la 6ème du recueil, Silène). Le public ne savait pas que les églogues que Virgile écrivait avaient une version cachée, satirique. Il savait seulement qu'elles étaient des pastorales et jusqu'au dernier moment c'est à la récitation d'une pastorale qu'il s'attendait. Lorsqu'il eut pris place on annonça que le spectacle était changé et qu'on allait lui réciter une satire de circonstance. Il s'agissait de la version satirique de cette 6ème églogue. Il la prit pour une satire sans même soupçonner qu'elle puisse avoir aucun rapport avec le Livre des Bucoliques qui restait ainsi hors de cause et calfeutré dans son secret. Or cette version satirique de la 6ème églogue est justement la scène 9ème du drame, celle qui contient les moqueries les plus mordantes et la pantomime la plus spectaculaire contre les mesquines distributions faites par Auguste à l'occasion de sa brigue. On comprend que le peuple ait applaudi par dérision. On comprendrait moins qu’il se soit emballé sur les vers d'une pastorale, même récités par Lycoris, alors qu'il avait encore la faim sur l'estomac. Et d'ailleurs était-il si grand amateur de poésie ?[xiii] (I)

Cette récitation d'épreuve eut lieu pendant qu’Auguste était encore à Samos. Avisé de l'avènement et voulant se rendre compte de ce qui se passe à Rome, il en prend le chemin par la Grèce. Virgile informé de ce retour mais ne se doutant pas qu'Auguste rentre par la Grèce, croit prudent, pour éviter d'être pris dans Rome, d'aller se mettre en sûreté dans Athènes et laissant là sa comédie, va s'embarquer sans tarder. Il avait comme viatique l'ode d'Horace, le premier coupable, qui, dans l'ironique finesse d'un adieu, le charge pour se décharger.       

Quelques jours après on apprend que, ramené de Grèce par Auguste, Virgile est mort à Brindes.

Auguste, de retour à Rome, ressaisit le pouvoir d'une main solide. On n'a pu trouver dans les papiers de Virgile et lui rapporter que de vieilles et simplettes églogues, plus ou moins imitées de Théocrite. Il ne s'en offense pas et les laisse circuler, car une d'entr'elles semble même faite à sa propre louange. Acteurs et amis de Virgile se tiennent coits. La pensée seule d'avoir été complices leur cloue la langue. Ils ne dévoileront jamais rien et le Livre des Bucoliques continuera de passer pour un recueil de morceaux choisis.

Faut-il s'étonner de l'insuccès de Virgile en cette affaire ? Sa comédie était à le fois d'audace et de candeur. Conception de poète, couvée dans l'ombre, elle était condamnée d'avance à mourir dans l'œuf, car il lui manquait l'air de la liberté, cet air d'Athènes par quoi les nièces aristophanesques s'oxygénaient et pétillaient en plein soleil, tandis qu'à Rome, depuis l'avènement des triumvirs, on mourait si facilement pour avoir dit un mot de trop. Maintenant l’ordre y va régner pour longtemps. L'ordre c'est-à-dire la tyrannie où vont se succéder douze empereurs bons ou mauvais.

La République est bien morte.

En apprenant qu'Auguste allait rentrer d'Athènes à Rome Virgile avait tenté de gagner lui-même Athènes avec l'espoir de croiser Auguste à son insu pendant la traversée et de lui échapper ainsi. Il avait pris la route la moins fréquentée, longé les côtes de 1'Acrocéraunie, gagné Corinthe par le golfe et il allait à travers l'isthme vers Athènes quand à Mégare, à mi-chemin, il tomba sur Auguste qui le ramena à Brindes et là son destin s'accomplit[xiv].

Il avait quitté Rome si précipitamment qu'il n'avait pas eu le temps de détruire lui-même l'Énéide, qu'il avait le regret d'avoir composée pour la plus grande fierté d'Auguste. Il pria deux de ses amis d'en brûler les volumes mais ces amis, par respect pour l'admirable chef-d’œuvre autant que par crainte de déplaire à Auguste, qui le tenait pour épopée de famille et s'en glorifiait, n'exécutèrent pas cette dernière volonté[xv].

 

Les œuvres de Virgile vues en fonctions de sa vie.

 

L'absence de témoignages à certitude solidement établie conduit aux suppositions. Entre quelques jalons de vérité que le temps avait renversés et confondus et qu'ils ont replacés à l'estime, les Servius, Philargyre, Donat ont intercalé des anecdotes dont certaines sont assez étonnantes. Peut-être remontent-elles à des faits authentiques dont les récits, en passant de main en main, d'âge en âge se sont déformés, stylisés, et finalement fixés entre le simple et le merveilleux. On les accepte sans trop y regarder car elles font à Virgile une auréole de légendes qui ne lui messied pas, et aussi parce que rien n'empêche, tout en les conservant, de leur juxtaposer des conjectures plus vraisemblables.

Les œuvres de Virgile, comme la plupart des œuvres de littérature, peuvent être tenues pour des effets d'ambiance, c.-à-d. pour des réactions déterminées par le milieu. Chacune d'elles étant ainsi liée à un moment de sa vie, elles l'expliquent tout en s'expliquant par elle. La diversité de l'une est l'intime raison de la diversité des autres.

En faisant des Bucoliques la dernière écrite des œuvres de Virgile et en plaçant leur composition entre 21 et 19 av. J.C. j'ai abandonné l'ordre chronologique classique ; Bucoliques, Géorgiques, Énéide, pour adopter 1 ' ordre : Géorgiques, Énéide, Bucoliques. Je me jette ainsi dans un schisme né d'une argumentation qui a pour point de départ des considérations grammaticales et pour aboutissement un point précis de l'histoire. Entre les deux, le langage mystique bucolique a fait son apparition appuyée sur une règle formelle qui donne, avec la signification ésotérique des églogues, une base sur laquelle on peut établir des conjectures.

Prenant alors la vie de Virgile en corrélation avec ses œuvres, on peut la divisée, en partant de sa Dixième année, en trois périodes bien caractérisées : Ière, géorgique, 2ème, épique, 3ème, satirique.

Ière Période - de 60 à 40 env. av. J-G.

Les Géorgiques, traité d'Agriculture.

On a supposé qu'elles furent écrites à la demande de Mécène, désireux de faire renaître chez les Romains le goût de l'agriculture que les guerres et les conquêtes leur avaient fait perdre. Benoist[xvi], pour des raisons pleines de bon sens, refuse cette supposition. Il voit dans les Géorgiques une inspiration libre et spontanée mais il n'en précise pas 1'occasion. Celle-ci pourrait avoir été la suivante :

Virgile est né et a grandi sur le domaine rural cultivé par son père. Il a vu, chaque jour, ce dernier envoyer les ouvriers au travail en assignant à chacun la tâche qui lui convient et qui varie suivant les saisons et les objets auxquels elle s’applique. Il admire l'expérience de son père, le suit pas à pas, en retient tous les gestes et toutes les paroles par cœur et met lui-même, à 1'occasion, la main à la pâte car il est géorgique dans l'âme. Vers sa vingtième année, il connaît toute la pratique agricole, mais il lui manque la science des livres et ce complément de culture générale importé de Grèce et devenu pour les Romains la dernière parure, le dernier besoin de l'esprit. Il va les chercher à Milan, puis à Naples et quand il est enfin devenu l'agronome qu'il a rêvé d'être, quand il se sent en mesure de faire au moins aussi bien que les écrivains qui traitèrent avant lui de l'agriculture, il revient chez son père. Point n'est besoin qu'on l'inspire. Le premier sujet auquel il va se vouer est naturellement celui qu'il porte en lui depuis son enfance et qui lui est doublement cher, par son père et par la terre qu'il a toujours aimés.

En poète et en maître il compose les Géorgiques ; on y sent déborder l'amour du sujet. Terminées il les porte à Rome, cherche un libraire et chez l'un d'eux rencontre fortuitement Mécène, le poète amateur. Celui-ci, sentant arriver avec Virgile le vent du génie, lui ouvre les portes de sa maison.

La suite coule du texte. En introduisant Virgile chez lui, Mécène s'introduit lui-même dans les Géorgiques, car Virgile, pour le remercier de l'accueil reçu, lui dédie l'ouvrage. Il est alors à peu près dans sa trentième année. Il surveille son édition quand, un beau jour, dans cette même librairie, où nous pouvons supposer que fréquentaient les lettrés, survient Horace. Virgile le trouve sympathique, le présente à Mécène et le célèbre trio dont s'enorgueillira le Siècle d'Auguste se constitue.

2me Période - de 40-35 à 23 av. J.-C.

L'Énéide : Épopée.

Cette période s'enchaîne avec la précédente. Virgile a pris, grâce à Mécène, contact avec César-Octave. Ce dernier, par les succès militaires que Marcus Agrippa lui a valus et qui ont mis fin aux guerres civiles ,par la popularité que lui valent des distributions de vivres, des adductions d'eau, des embellissements urbains, des Jeux, par sa politique cauteleuse, qui paraît ne s'inspirer que des intérêts de la République, a gagné l'affection des Romains. Dans cette atmosphère, Virgile ne reste pas indifférent. Il est fier lui aussi de Rome et de César. Aux sollicitations de celui-ci qui aime la louange, sa Muse s'ébranle, les premiers accords de sa symphonie épique commencent à résonner dans son esprit et, quand, après Actium, César-Octave célèbre, en trois jours consécutifs, trois triomphes, le dalmatique, l'actiaque, l'alexandrin, Virgile se met à l'unisson des buccins. Les Géorgiques sont closes, il quitte les horizons de la plaine, monte vers le Parnasse, sa fanfare intérieure éclate, l'Énéide jaillit enthousiaste et grandiose.

3me Période - de 23 à 19 av. J-C.

Le Livre des Bucoliques : drame satyrique.

Virgile, fort occupé à mettre au point l'Énéide, est tellement absorbé par ce travail que les événements qui se passent dans Rome n'attirent guère son attention. Auguste, qui a maintenant réuni dans ses mains tous les pouvoirs, voudrait les garder sans en laisser la moindre parcelle à quelque collègue que ce soit, et sans avoir à rendre compte de quoi que ce soit à personne. Mais pour transformer en solide monarchie de droit la fragile monarchie de fait à laquelle il est patiemment parvenu et qu'il désire soustraire à l'humeur instable du peuple, il voudrait de hautes recommandations.  Il fait appeler en conseillers Marcus Agrippa et Mécène, et, après eux, car ils sont d'opinions divergentes, Virgile. Mécène approuve. Agrippa désapprouve et, suffoqué par les desseins d'Auguste, quitte Rome pour Mytilène. La désapprobation de Virgile est plus nuancée et faite avec réserves[xvii]. On le représente comme un timide. C'était une noble nature, éprise d'un idéal social élevé et foncièrement ennemi de toute oppression. Impulsif, il se détourne et d'Auguste et de l'Énéide faite pour lui, se laisse entraîner par Horace dans l'opposition et s'y compromet irrémédiablement. C'est alors qu'il imagine les Bucoliques.  Voyant les choses comme les aurait vues jadis un athénien, prenant le théâtre de Rome pour celui d’Athènes, Auguste pour un Cléon, il croit pouvoir écrire et faire représenter le drame satyrique des Bucoliques comme Aristophane celui des Chevaliers.

11 était fait pour les Muses, non pour les luttes politiques ; il succomba.

Cette période, commencée sous le signe de la désillusion et de la désaffection pour Auguste, aussitôt après l'entrevue avec lui, se continue dans l'opposition et se termine à l'ode célèbre d'Horace : "Ad navem qua Vergilius Athenis vehebatur."

Je cite cette ode toute entière car se place est ici où elle prend une valeur démonstrative impressionnante. C'est l'ode des impulsifs et des téméraires, Horace rappelle les trois plus fameux, le nom du quatrième est sous-entendu, mais il n'est pas difficile de deviner qu'il s'agit de celui pour qui l'ode fut écrite.

Vraisemblablement c'est à Rome qu'Horace la composa pendant que Virgile se hâtait de Rome à Brindes pour s'y embarquer.

 

 

Ad navem qua Virgilius Athenis vehebatur

 

Sic te diva potens Cypri

Sic fratres Helenae lucida sidera

Ventorumque regat Pater

Obstrictis aliis praeter Iapyga

 

Navis quae tibi creditum

Debes Virgilium. Finibus atticis

Reddas incolumen precor

Et serves animae dimidium mese

 

Illi robur et aes triplex

Circa pectus erat qui fragilem truci

Commisit pelago ratem

Primus nec timuit praecipitem Africum

 

Decertantem Aquilonibus

Nec tristes Hyades nec rabiem Noti

Quo non arbiter Hadriae

Major tollere seu ponere vult fréta.

 

Quem Mortis timuit gradum

Qui siccis oculis monstra natantia

Qui vidit mare turgidum et

Infâmes scopulos Acroceraunia

 

Nequicquam Deus abscidit

Prudens Oceano dissociabili

Terras si tamen impiae

Non tangenda rates transiliunt vada.

 

Audax omnia perpeti

Gens humana ruit per vetitum nefas

Audax Iapeti genus

Ignem fraude mala gentibus intulit.

 

Post ignem aetheria domo

Abductum macies et nova febrium

Terris incubuit cohors

Semotique prius tarda nécessitas

 

Lethi corripuit gradum.

Expertus vacuum Dedalus aera

Pennis non homini datis.

Perrupit Acheronta herculeus labor.

 

Nil mortalibus ardui est,

Coelum ipsum petimus stultitia neque

Per nostrum patimur scelus

Iracunda Jovem ponere fulmina.

 

" Au navire sur lequel s'est embarqué Virgile "

 

Avec la divine et puissante Cypriote

Avec les frères d'Hélène, lumineuses étoiles,

Que le père des vents règle ta course

Et ne laisse souffler que l'Iapyx

 

0 navire à qui s'est confié,

Dette sacrée, Virgile. Aux rivages attiques

Fassent les Dieux que tu le rendes sans encombres

Et sauves celui qui est la moitié de mon âme.

 

Avait-il donc de rouvre et de triple airain

Le cœur bardé celui oui, le premier,

Lançant son frêle esquif vers le large farouche,

Brava le vertigineux Africain

 

Qui renverse les Aquilons,

Brava les sombres pluies, brava les rages du Notus

Dont rien n'est maître sur 1'Hadriatique

S'il veut en soulever ou en coucher les flots.

 

De quelle mort avait-il peur

Pour regarder sans sourciller les monstres de la mer,

Les vagues enflées par la tempête

Et ces récifs infâmes : les Acrocéraunies ?

 

C'est donc en vain qu'un Dieu créa,

Dans sa sagesse, les Océans pour isoler

Les continents, si, méprisant sa Loi,

Sur ces eaux qu'il fit sans gués les bateaux passent et repassent.

 

Pétri d'audace, à vouloir tout braver

L'homme tombe au milieu de ses crimes impies.

Pétri d'audace un des fils de Japet

D'un Feu, fruit d'un larcin maudit, fit don à ses tribus.

 

C'était du feu tombé des dômes éthérés !

Bientôt tout s’émacie, les Fièvres apparaissent,

Sur l'Univers leur cohorte s'étend

Et, cessant d'être une tardive nécessité,

 

Mort avança ses apparitions.

Dédale fit ses preuves sur l'air et sur l'espace

Avec des ailes non comprises dans l'apanage humain.

L'audacieux Hercule a forcé l'Achéron.

 

Il n'est, pour les mortels, rien qui soit trop osé.

Le Ciel même nous le provoquons par sottise

Et nos scélératesses ne permettent pas

Que Jupiter pose les Foudres de sa colère.

 

C'est transparent comme du cristal. Ce n'est pas pour la santé de Virgile qu'Horace émet des vœux mais pour le succès de sa fuite, car Virgile fuit pour son salut comme avait tenté de le faire Cicéron. Il fut trop téméraire. Plus audacieux que Prométhée, que Dédale, qu'Hercule il a provoqué le ciel même, et les foudres de Jupiter (entendez les ressentiments d'Auguste, Auguste en personne et sa suite) sont sur son chemin. Les évitera-t-il ?

On a dit que Virgile étant tombé malade à Mégare, en Grèce par où il passait, allant en Asie recueillir des documents en vue de parfaire l'Énéide, fut rencontré par Auguste et que, ramené par ce dernier en Italie, il mourut en débarquant à Brindes.

N'est-ce pas un prétexte tendant à mettre Auguste hors de cause et Virgile mourut-il des atteintes de la Fièvre, ou de la main d'un centurion ? La deuxième hypothèse n'est pas la moins vraisemblable.

Ainsi, après avoir entraîné Virgile dans une folle aventure et quand il le voit cherchant à se sauver, Horace l'accompagne de ses vœux et s'en tire avec une ode pitoyable.il y plaide coupable et complice, implicitement, mais coupable aux moindres torts et repenti, se sentant déjà, pour sa personne, assuré du pardon et pouvant plastronner en toute sécurité[xviii].

Après cette ode il ne parlera plus de celui qui était la moitié de son âme.

Que pourrait-il dire ? Il est pusillanime, le sort fait à Virgile l'impressionne d'autant plus qu'il a failli le partager, et par crainte de laisser échapper des mots qui atteindraient l'exceptionnelle mansuétude d'Auguste à son égard, il se tait.

Par ailleurs, Auguste, ayant maintenant réduit à la résignation une opposition qui n'a plus aucune, branche où se raccrocher, ayant retrouvé chez Marcus Agrippa et chez Mécène les sympathies d'antan que le soleil de la bonne fortune réchauffe chaque jour davantage, a solidement ancré son navire dans les vieilles eaux républicaines ; tout ce qu'il souhaite vient à lui.

Horace ne peut bouder indéfiniment contre le destin ; il en accepte les décisions. Entre Auguste et lui, Mécène va être un trait d'union et, le temps faisant son œuvre, la réconciliation se consolidera peu à peu.

Il n'y a plus, à proprement parler, de comices consulaires, partant plus de brigues, Auguste n'a plus aucun intérêt à forcer Horace, Horace n'a plus de raisons pour dénigrer Auguste, et les voilà, sinon amis sincères, du moins en bonnes relations diplomatiques. Le passé est dit oublié de part et d'autre et bientôt Horace écrira des vers pour Auguste[xix].

Tout cela s'enchaîne suivant cette causalité fertile en surprises qui est propre aux choses vécues en période troublée par les passions de la politique.

Les guerres civiles, les proscriptions, les conjurés étranglés sont de la veille. La République a été déchiquetée et devant le victorieux triumvir, qui achève d'en absorber les morceaux, tout s'est incliné. Il ne reste plus pour tenter un dernier coup (pour la forme peut-on dire) qu'un républicain irréductible, un poète qui veut jusqu'au bout se montrer beau joueur avec le destin. Il sait en effet que malgré l’Énéide il ne pèsera pas plus dans la balance d'Auguste que Platon ne pesa dans celle de Denys l'Ancien.

Les commentateurs exégétiques qui, pour les Bucoliques, se sont toujours leurrés d'allusions sans suite, quand elles ne sont pas contradictoires comme celles qu'ils ont cru voir dons la 1ère et dans la 9ème, diront peut-être qu'il est difficile de croire à un pareil enchaînement, mais des faits historiques, des textes, témoignages irrécusables, sont là ; il n'est que d'en tirer la philosophie.

Le Père Sanadon, dans sa "Vie d'Horace" rapportée par Batteux, dit :

a)    En 23 - Auguste ayant par testament fait Marcellus son successeur, cette préférence donna de la jalousie à Agrippa qui fut envoyé en Syrie mais s'arrêta à Lesbos.

b)   En 23 - Auguste offrit à Horace la charge de secrétaire.

c)    En 22 - Il y eut à Rome, à l'occasion des comices consulaires beaucoup d'effervescence et Agrippa fut rappelé pour prendre le gouvernement de la Ville.

d)   En 22 - La peste et la famine se font sentir.

e)   En 22,21 - Auguste refusa le consulat qui fut enfin donné à Lepidus et à Lollius, après quoi Auguste partit de Rome d'où il fut absent jusqu'en 19 (soit pendant deux ans).

f)    Virgile rencontré par lui à Mégare et ramené de Grèce en Italie, mourut en débarquant à Brindes.

 

Pensez que 1'Histoire, par peur ou par adulation, n'a parlé des Césars et surtout d'Auguste qu'avec réticence, tandis que Virgile a pu écrire bien des choses qui, sous le manteau des Bucoliques, ont échappé à la censure., et rapprochez ensuite :

de a) l'églogue I (scène I du drame virgilien)

de b) l'églogue II (scène II du drame virgilien)

de c) l'églogue III, in fine (scène III in fine du drame)

de c) l'églogue V (scène V du drame)

de d) l’églogue VIII (scène VI du drame)

de e) l'églogue VII (scène X du drame)

de f) l'ode III du liv. Ier d'Horace

On ne peut nier qu'il y ait là des concordances impressionnantes, des principes de convictions qui amènent à considérer le "Livre des Bucoliques" comme le premier membre d'une équation dont le second appartient à l'histoire.

 



[i] Là est la pierre d’achoppement. Il est certain que les discriminations que nous avons à faire entre sons fallacieux et sons utiles nous seraient facilitées si cette lecture nous était faite avec la prononciation, les inflexions de voix, la mimique que la chose réclame. On peut cependant suppléer dans une mesure suffisante à l'absence de tradition sur ce point par recoupement des transcriptions gréco-latines qui abondent dans le jeu virgilien.

[ii] C. Octave qui méprisait Lépide lui avait laissé la vanité du titre de grand Pontife (on était grand Pontife à vie), mais il s'en était fait attribuer la dignité.

[iii] On élevait des temples à Auguste ; Jules César, son père adoptif se regardait comme descendant de Vénus par Iule et une croyance publique donnait Apollon pour père à Auguste. (Suet. 94)

[iv] Mécène avait-il été déjà circonvenu par Auguste ? C'est possible et même probable.

[v] V. Horace Sat. Liv. II – 1er.

[vi] Auguste pensa être lapidé dans Rome.

[vii] cf. Horace ode XVII du liv. I ...datus in theatro Quum tibi plausus, Care Maecenas eques, ut paterni Fluminis ripae simul et jocosa Redderet laudes tibi Vaticani Montis imago. Quand tu reçus au théâtre, cher chevalier Mécène, ces applaudissements dont les échos cachés dans les rives du fleuve de tes aïeux et ceux du mont Vatican, avec un ensemble joyeux, te renvoyaient les hommages.

[viii] v. traduction ésotérique égl. V page 198 et égl. IX, scène VII, p. 307-309

[ix] La manière de Virgile était bien différente de celle d'Horace. Horace n'aimait pas l'hybridation du grec et du latin et répudiait l'exemple que Lucilius en avait donné, v.s.it.X,liv.I Nempe incomposito dixi pede currere versus Lucilî…

"At magnum fecit quod verbis greca latinis Miscuit." - "0 seri studiorum !  qui ne putetis Difficile et mirum rhodio quod Pitholeonti Contigit" - "At sermo lingua concinnus utraque Suavior ut Chio nota si commixta Falerni est". "Oui, j'ai dit que les vers de Lucilius ne procèdent d'aucun art... " - "Cependant répliquez-vous, il a fait chose remarquable en introduisant des mots grecs dans des phrases latines" - "Vous êtes démodés ! que ne déclarez-vous aussi chose admirable et véritable tour de force le parler imaginé par le rhodien Pitholéon, et direz-vous qu'un discours où les deux langues se mélangent n'en est que plus suave tout comme la rudesse du Falerne si elle est coupée de Chio."- Ce passage montre que l'hybridation avait plus d'amateurs qu'on ne croit, elle avait cours dans les lettres. Tirée de la vulgarité et accommodée par Virgile en Bucoliques elle représente un tour de force littéraire incontestablement prestigieux.

[x] v. traduction ésotérique égl. V page 198 et égl. IX, scène VII, p. 307-309

[xi] v. traduction ésotérique égl. 7ème, scène X, in fine

[xii] v. traduction ésotérique égl. 8ème, scène VI, in fine.

[xiii] Le biographe dit : "Bucolica eo successu edidit ut in scena quoque per cantores crebra pronunciatione recitarentur. Ac quum Cicero quosdam versus audisset et statim acri judicio intellexisset non communi vena editos jussit ab initio totam Eglogam recitari." - Le biographe a certainement fait état de documents arrangés par des scholiastes antérieurs et embrouillant faits et circonstances. Cicéron, mort en 43, ne peut avoir entendu réciter aucune églogue car elles furent toutes composées entre 21 et 19, mais il peut avoir entendu des vers appartenant aux Géorgiques, déjà fort avancées sinon même terminées et qui sont vraiment d'une autre veine que les Bucoliques. D’autre part la récitation mentionnée ne put avoir lieu qu'en 19, peu de temps avant le départ de Virgile, dont elle fut probablement la cause. Il serait étonnant qu’elle eût porté sur la version pastorale de la 6ème églogue (Silène), qui n'eut servi en rien les desseins de Virgile et qui, d'ailleurs, n'avait rien pour emballer la foule, mais portant sur la version satirique elle devenait pour Virgile une indication précieuse. C'est grâce à la confusion des titres "églogue" "bucolique" que le biographe a pu dire qu'il y avait eu récitation d'églogue.

[xiv] On ne peut que conjecturer ce qui s'est passé après la rencontre à Mégare. La fièvre de Virgile était-elle grave ? Il serait resté sur place entre les mains d'un médecin. Était-elle assez légère pour qu'il pût se remettre en route ? Il aurait continué vers l'Asie, non vers 1'Italie. Pourquoi donc Auguste l'a-t-il ramené avec lui ? On sait bien qu'il ne lui en fallait pas beaucoup pour faire mettre un homme à mort. Les attaques virulentes qu'Horace et Virgile avaient menées contre lui pendant sa dernière brigue et qui lui avaient fait perdre le consulat étaient irrémissibles. Il s'était mis à voyager pour ne pas rester à Rome sur les lieux de sa défaite, mais il n'avait pas oublié d'emporter avec lui sa rancune, prêt à l'assouvir à la première occasion. Cette occasion s'offrait à Mégare. Peut-on dire qu'il la méprisa ? ...On peut toujours penser à ce que, dans la version satirique de l'églogue V (15 sq.), scène V du drame, Virgile dit à Horace : "Pour des louanges fleuries chantées à plein gosier, Auguste donne en retour les moyens de mener une belle vie ; pour des critiques fatigantes et à jet continu c'est les meurtrissures du caveçon ; pour l'énervement qui exaspère c'est l'arrêt de mort". Si Auguste fit mourir Virgile ce ne fut point pour le punir d'avoir écrit les Bucoliques dont il ne connaissait pas le secret, mais pour le punir de la campagne électorale qu'il avait menée avec Horace, avant les Bucoliques, campagne menée au grand jour, tandis que les Bucoliques furent préparées en secret.

[xv] Il serait inexact de dire que Virgile voulut brûler l'Énéide parce qu'il y trouvait trop d'imperfections, car dans ce cas il n'aurait pas attendu d'être à l'article de la mort pour le faire. Et peut-ton croire qu'en partant il ait mis dans ses bagages des volumes exposés ainsi à mille risques imprévus, à moins qu'il ne les ait emportés avec l'intention de les soustraire à Auguste.

[xvi] E. Benoist, Les Bucoliques et Les Géorgiques – Paris 1867

[xvii] v. Virgilii vita, in fine.

[xviii] Auguste ne tint pas rancune à Horace. Il prisait son talent, s'amusait à le plaisanter sur sa petite taille et la rotondité de son ventre, et ne voyait pas en lui un adversaire bien redoutable.

[xix] Parmi les pièces d'Horace qui nous sont parvenues on peut distinguer celles qui furent écrites avant sa résipiscence et font assez clairement allusion à des travers d'Auguste comme les satires I, II, III, du Liv. II, ainsi que l'ode XI du Liv. I, et celles qui furent écrites après et qui ne chantent que des louanges comme les odes II, V, XIV, XV du Liv. IV et l'épître I du Liv. II

 



10/10/2018
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